ESTHETIQUE

Par ce terme, je n'implique pas de jugement négatif, mais un événement qui s'inscrit dans un phénomène beaucoup plus vaste, d'envergure internationale et qui est à l'origine de la naissance de nouvelles universités de design dans le monde entier (en Chine, en Inde, dans le Sud-est asiatique, en Russie, aux états-Unis, en Europe, au Japon, en Corée), dans tous les pays développés et surtout dans ceux en voie d'industrialisation; car aujourd'hui le design ne se traduit pas uniquement par la gestion de la composante esthétique des produits, il signifie avant tout "inventer" de nouveaux produits, donc de nouveaux marchés, de nouvelles entreprises et, de ce fait, il annonce une nouvelle économie.

Un système qui doit alimenter sa propre énergie de croissance, au-delà des limites de la simple gestion de ce qui existe, en envahissant les territoires de "l'imaginaire" esthétique et technologique.

Ces jeunes s'engagent à "intérioriser" la recherche esthétique et technologique, en "privatisant" les questions commerciales.

L'on accuse fréquemment cette jeune génération de ne pas être "engagée", mais en réalité elle exprime une sorte de nouvelle énergie politique qui émane d'un jugement esthétique (qui est aussi un jugement politique) sur la "laideur" du monde actuel qu'elle veut changer sans délai, à partir des objets domestiques, des ustensiles quotidiens; elle saisit l'inutilité qui nous entoure et recherche de nouvelles solutions dans le domaine des micro-fonctions domestiques.

Les jeunes témoignent donc d'une nouvelle urgence de réformes qui dépasse l'ancien schéma selon lequel on ne peut changer le monde que par des macro-entreprises politiques et des super-projets globaux ; bien au contraire, nos étudiants croient (et nous le croyons également) qu'il existe actuellement une nouvelle possibilité d'améliorer le monde à partir de ce qui est infiniment petit, apparemment superflu, et à partir de l'esthétique du quotidien.

Le poète russe Josif Brodskij (prix Nobel de Littérature en 1997) nous a appris que même les grands empires peuvent imploser à cause du désaveu de l'esthétique (c'est le cas des anciens pays socialistes), parce que le refus de l'esthétique mène inexorablement au refus politique: comme dans la psychologie infantile, le laid devient synonyme de méchant.

Car l'éthique et l'esthétique sont intimement associées l'une à l'autre.

S'il est vrai que la pollution environnementale existe, il existe également une pollution esthétique (plus grave que la première).

Le design revêt une fonction essentielle par sa nature discontinue et par son métabolisme hybride : il utilise la technologie pour ses ressources esthétiques et l'esthétique pour ses apports technologiques...

Et je dois dire que jamais n'a existé une société où ce type de problème a trouvé une solution, parce que, par exemple, les pays socialistes dans l’interprétation qu’en a donné Joseph Brodsky, poète qui a gagné le prix Nobel, ont eu ce type de débâcles à cause d’un choc esthétique, d’un désastre esthétique, c’est-à-dire qu’ils ont réalisé un monde urbain, des relations humaines et une gestion de la qualité de la vie tellement horrible que cela a produit un refus politique, donc un choc.

Parce que le problème esthétique, c’est le vrai grand problème politique du futur.

Il font une confusion entre deux catégories: esthétique et morale.

Sur les petites choses, ce qui semble un paradoxe, mais, en effet, on voit que c’est une possibilité effective de changer la qualité esthétique, fonctionnelle, humaine de l’espace.

BRANZI, Andrea. Progress. In: QUEHEILLARD Jeanne, SALMON Laurence, BRANZI Andrea, In progress: le design face au progrès, exposition, Grand Hornu, Monographik, Blou, 2010, p. 33-39.
BRANZI Andrea. Conférence, Exposition In Progress, 8 mai 2010-12 septembre 2010, Grand-Hornu Images, Belgique, 24 juin 2010
BURKHARDT, François, MOROZZI, Cristina. Andrea Branzi, 4ème de couverture. In: Andrea Branzi No stop city, Archizoom associati, éditions HYX, Paris, décembre 1997
BRANZI Andrea. L’enjeu capital(es), Colloque international d’architecture, 1-2 octobre 2009, Centre Pompidou.