Il s'agit d'un design qui s'engage à rédiger une nouvelle "Charte d'Athènes", pour transcender la dimension anthropocentrique de la tradition occidentale, pour créer un concept d'hospitalité beaucoup plus ample, en entamant un nouveau chapitre de l'histoire de l'évolution de nos métropoles; en considérant celles-ci non seulement en tant que gisements architecturaux et infrastructurels, mais en tant que milieux favorables à la réalisation de nouvelles conditions de l'équilibre naturel et cosmique.
Il nous faut donc être très prudents à l'heure de discerner entre ce qui est superflu et ce qui ne l'est pas, car l'histoire nous enseigne que les grandes civilisations se sont développées en investissant leurs énergies les meilleures notamment dans ces activités qui ne sont manifestement pas nécessaires: l'art, la musique, la poésie et la beauté de l'habitat humain; la qualité des objets détermine aujourd'hui la qualité de la ville, elle-même constituée d'objets.
Le nouveau musée de la Triennale de Milan a voulu rendre ce témoignage, à savoir que l'histoire du design n'est pas l'histoire des styles.
Cette "démocratie expérimentale", cette ville où la plupart des immeubles sont utilisés de manière impropre, où la qualité de la marchandise exposée dans les étalages remplace fréquemment la qualité de l'architecture avoisinante, est-elle peut-être la marque la plus évidente d'une transformation épistémologique très profonde, d'une révolution historique dont les contours ne sont pas encore bien définis, mais au coeur de laquelle le design joue un rôle important ?
Assistons-nous aujourd'hui, à nouveau, à la fin d'un équilibre historique qui ne trouve pas de solution aux problèmes actuels et qui produit un système d'autonomies de la connaissance ? Le design actuel, faute de systèmes d'agrégation plus généralisés, semble être appelé à jouer cet important rôle historique ; il envahit la réalité matérielle et immatérielle du monde contemporain.
Donc cest une autre ville, qui a une dimension invasive, moléculaire, mais qui ne se présente plus dans une forme globale, comme est la forme dune ville. Et ceci, cest une condition dun infini qui appartient à lhistoire de larchitecture.
Linfini se présente à condition que lobservateur se place en dehors du tableau, donc en dehors de lhistoire.
Le Corbusier imaginait la ville industrielle organisée par zones spécialisées. Là il y avait les habitations, là il y avait le temps libre, là on travaillait, après il y avait la circulation séparée, et après le centre historique.
Mais aujourdhui, nous sommes entrés dans une dimension historiquement absolument originale, puisque nous sommes comme vous le savez sept milliards de personnes, et ce chiffre monte encore, il ne sarrête pas.
Dans lhistoire, les villes ont toujours des problèmes, ont toujours des impossibilités par rapport au fonctionnement, à lévolution de la société urbaine, à léconomie à la technologie. Donc cest un organisme imparfait, institutionnellement imparfait.
Andréa Branzi: Ce que jai présenté ce soir, ce nest pas exactement un projet. Mais cest la prise de contact avec ce que vous avez dit, cest-à-dire quil y a un changement historique qui se réalise en ce moment.
Il (le design) reproduit toujours ses codes dune manière plus sophistiquée, avec un raffinement plus profond, mais il semble capable dentrer dans la vie, dans lhistoire.