De nos jours, le design peut se situer sur deux terrains différents: le terrain physique et réel du marché (où les objets tangibles existent et peuvent être utilisés), et le terrain immatériel (non moins important) constitué par la circulation médiatique des idées expérimentales, là où les objets n'existent plus mais peuvent néanmoins être regardés et vus, puisqu'ils circulent en un nombre infini d'exemplaires sur le territoire iconique mondial; en propageant des hypothèses et des théorèmes destinés à stimuler la créativité sociale et à produire des énergies porteuses de changement.
Ils témoignent ainsi que nous assistons à la transition de la "société" industrielle (constituée par des produits en série destinés à des marchés massifiés) vers une "civilisation" industrielle qui exprime des valeurs et des comportements privés tout autant que de nouvelles morales dictées par le marché (comme la consommation "éthique").
Le poète russe Josif Brodskij (prix Nobel de Littérature en 1997) nous a appris que même les grands empires peuvent imploser à cause du désaveu de l'esthétique (c'est le cas des anciens pays socialistes), parce que le refus de l'esthétique mène inexorablement au refus politique: comme dans la psychologie infantile, le laid devient synonyme de méchant.
En effet, dans la ville postindustrielle, où les grands gisements immobiliers sont tombés en disgrâce et où s'étendent des millions de mètres carrés d'industries et de bureaux désaffectés, on assiste à une sorte de révolution urbaine issue des espaces intérieurs, transformant ainsi l'ensemble de leur fonctionnement par des interventions d'"architecture d'intérieur": des villes en évolution constante et dont les fonctions doivent être continuellement revisitées afin de répondre aux nécessités changeantes de l'économie sociale, du télétravail et de l'entrepreneuriat de masse.
Et la nouvelle faculté de Rome saura assurément en faire de même, en saisissant la fonction enzymatique et catalytique du design dans la société et dans la ville, ancienne ou moderne.
C'est donc une modernité plus adaptée à notre société "réformiste", obligée de modifier quotidiennement ses statuts afin de résoudre les problèmes engendrés par un système social instable en quête d'équilibres nouveaux — qui par ailleurs ne seront jamais des acquis définitifs — et de l'adapter en le développant, sans toutefois revendiquer un modèle de fonctionnement unique.
Ce dernier trace en effet de possibles modèles d'une "frêle urbanisation" de territoires aux frontières floues et aux fonctions imprécises, des "modèles fragiles", caractéristiques de notre société où politique, économie et culture ont perdu la force de leurs fondements et n'arrivent plus à coexister dans un système harmonieux ou à conférer une forme stable et robuste à nos villes.
Il ne semble exister aucun espace, aucun interstice qui ne puisse être envahi par cette sorte de breuvage revitalisant, composé de tant de langages différents et de tendances imprécises résultant non pas d'un projet unitaire mais d'un "essaim de projets" nés d'une énergie sociale (et industrielle) débordante et basés non sur une méthodologie, mais sur "toute" méthodologie concevable...
Par conséquent le design, par sa nature discontinue et expérimentale, représente non seulement un formidable creuset d'opportunités professionnelles; il est également la métaphore la plus achevée des espérances et des contraintes d'une société telle que la nôtre.
Une société qui s'exprime à travers un nombre infini de signes et de produits, mais n'arrive plus jamais à construire globalement la "cathédrale" dans laquelle elle se reconnaît.
Une société qui produit plutôt de vastes gisements et où
on n'assistera peut-être plus, comme au siècle passé, à des tremblements
de terre fracassants et des désastres dévastateurs, mais plutôt à des
séismes silencieux en profondeur, modifiant la géologie et la morphologie
du monde en déplaçant des territoires entiers de quelques centimètres.
Cette métaphore empruntée par Andrea Branzi au sociologue Zygmunt Bauman, pour qualifier le design, a été choisie pour décrire les spécificités de la nouvelle modernité.
Il faut au contraire travailler dans lesprit dune modernité faible, donc réversible, qui peut sadapter aux changements permanents de cette société.
Donc cest un peu la condition dune société mondiale, qui na plus un modèle global de fonctionnement.
Nous vivons dans une logique très expérimentale, très originale, qui se base sur la recherche permanente dune société mondiale auto-réformiste.
Cest-à-dire qui est née, soit la ville moderne, soit la ville historique - encore plus - avec des idées de fonctionnement de léconomie, de la société, qui maintenant nexistent plus.
Une nouvelle charte dAthènes, ça ne veut donc pas dire une ville idéale, cest seulement une analyse de petites possibilités qui peuvent aider cette situation de self-réformisme de la société contemporaine.
Cest un ensemble de personnes qui font lamour, qui produisent ce type dénergie reproductive, damour et de passion de liaisons, qui est à la base du développement de la société.
Comme vous le voyez ce nest pas la solution de rien, cest seulement une réflexion sur la dimension des problèmes que nous avons en effet, avec la multiplication du nombre de personnes aujourd'hui dans la société, 7 milliards de personnes cest une quantité énorme.
Dans lhistoire, les villes ont toujours des problèmes, ont toujours des impossibilités par rapport au fonctionnement, à lévolution de la société urbaine, à léconomie à la technologie.
Et peut-être que ce que vous dites va se réaliser et quil y aura une réaction à ce type de libéralisme absolu, qui est aussi un résultat pas complètement prévu par la société actuelle.
Mais cest un paradoxe littéraire. Car cette société a pour objectif la liberté. Et ça ne veut pas dire quil y a des niveaux de justice sociale etc.
Et je dois dire que jamais n'a existé une société où ce type de problème a trouvé une solution, parce que, par exemple, les pays socialistes dans linterprétation quen a donné Joseph Brodsky, poète qui a gagné le prix Nobel, ont eu ce type de débâcles à cause dun choc esthétique, dun désastre esthétique, cest-à-dire quils ont réalisé un monde urbain, des relations humaines et une gestion de la qualité de la vie tellement horrible que cela a produit un refus politique, donc un choc.
Cest-à-dire lidée des pays socialistes de réaliser une société sur la base dun seul paramètre qui est, dans lintention, la justice sociale, nest pas suffisant. Et ceci cest le problème auquel il faut réfléchir, au fond de la question de lenvironnement, qui na rien à voir avec les pays socialistes.
Parce que dans les siècles passés, il y a lidée qu'avec des transformations sociales et économiques, on peut résoudre tous les problèmes, et on voit que ce nest pas comme ça.
Regroupant lensemble des textes et des dessins, il nous dévoile cette "ville sans fin" qui mêle objet, société de consommation triomphante et architecture, une grille de lecture où la répétition dun même ensemble central, un bâtiment ou un groupe dobjets, via un jeu de miroirs compose un environnement catatonique, un supermarché sans limites, un futur à composer et désormais atteint... Ce projet théorique fut dabord publié dans la revue Casabella en 1970 sous le titre: "ville chaîne de montage du social, idéologie et théorie de la métropole".
Le socialisme na pas marché contre la première crise, il a réarrangé le capitalisme pour en faire un néocapitalisme.
Réalisée de grandes transformations à laides de micro-structures, aller vers une miniaturisation de la société, vers lespace minimum de la vie quotidienne.