NOUVEAU

Par ce terme, je n'implique pas de jugement négatif, mais un événement qui s'inscrit dans un phénomène beaucoup plus vaste, d'envergure internationale et qui est à l'origine de la naissance de nouvelles universités de design dans le monde entier (en Chine, en Inde, dans le Sud-est asiatique, en Russie, aux états-Unis, en Europe, au Japon, en Corée), dans tous les pays développés et surtout dans ceux en voie d'industrialisation; car aujourd'hui le design ne se traduit pas uniquement par la gestion de la composante esthétique des produits, il signifie avant tout "inventer" de nouveaux produits, donc de nouveaux marchés, de nouvelles entreprises et, de ce fait, il annonce une nouvelle économie.

Je crois qu'au XXIe siècle le design sera appelé à modifier son statut ainsi que les limites de la discipline pour se transformer et élaborer de nouvelles stratégies industrielles à l'époque de la mondialisation ainsi que de véritables stratégies humanistes, à l'époque de la grande crise environnementale.

Il s'agit d'un design qui s'engage à rédiger une nouvelle "Charte d'Athènes", pour transcender la dimension anthropocentrique de la tradition occidentale, pour créer un concept d'hospitalité beaucoup plus ample, en entamant un nouveau chapitre de l'histoire de l'évolution de nos métropoles; en considérant celles-ci non seulement en tant que gisements architecturaux et infrastructurels, mais en tant que milieux favorables à la réalisation de nouvelles conditions de l'équilibre naturel et cosmique.

Le design s'emploie à convoyer la culture du projet vers une nouvelle dimension.

Ils témoignent ainsi que nous assistons à la transition de la "société" industrielle (constituée par des produits en série destinés à des marchés massifiés) vers une "civilisation" industrielle qui exprime des valeurs et des comportements privés tout autant que de nouvelles morales dictées par le marché (comme la consommation "éthique").

L'on accuse fréquemment cette jeune génération de ne pas être "engagée", mais en réalité elle exprime une sorte de nouvelle énergie politique qui émane d'un jugement esthétique (qui est aussi un jugement politique) sur la "laideur" du monde actuel qu'elle veut changer sans délai, à partir des objets domestiques, des ustensiles quotidiens; elle saisit l'inutilité qui nous entoure et recherche de nouvelles solutions dans le domaine des micro-fonctions domestiques.

Elle constate l'envahissement de la technologie et se penche sur de nouvelles interfaces moins agressives et plus poétiques.

Les jeunes témoignent donc d'une nouvelle urgence de réformes qui dépasse l'ancien schéma selon lequel on ne peut changer le monde que par des macro-entreprises politiques et des super-projets globaux; bien au contraire, nos étudiants croient (et nous le croyons également) qu'il existe actuellement une nouvelle possibilité d'améliorer le monde à partir de ce qui est infiniment petit, apparemment superflu, et à partir de l'esthétique du quotidien.

Le nouveau musée de la Triennale de Milan a voulu rendre ce témoignage, à savoir que l'histoire du design n'est pas l'histoire des styles. Ce sont les objets domestiques qui véhiculent les thèmes anthropologiques et politiques de grande importance.

Il faut la situer à nouveau au centre de la créativité et de l'innovation, en sauvegardant avec l'environnement la richesse des relations anthropologiques qui, depuis la nuit des temps, forgent le lien entre l'homme et son habitat. Des villes dans lesquelles la qualité des zones urbaines n'est plus exclusivement constituée par les diverses architectures en présence, mais aussi par la qualité du tissu commercial, par le flux expressif des personnes qui le traversent et créent des scénarios mobiles capables d'engendrer une nouvelle géographie de qualité à l'intérieur du paysage rigide et figé de l'architecture construite.

Et la nouvelle faculté de Rome saura assurément en faire de même, en saisissant la fonction enzymatique et catalytique du design dans la société et dans la ville, ancienne ou moderne.

Le début de ce siècle a vu poindre un nouveau modèle de modernité, moins "forte et concentrée" qu'au siècle passé, mais plus "faible et capillaire".

C'est donc une modernité plus adaptée à notre société "réformiste", obligée de modifier quotidiennement ses statuts afin de résoudre les problèmes engendrés par un système social instable en quête d'équilibres nouveaux — qui par ailleurs ne seront jamais des acquis définitifs — et de l'adapter en le développant, sans toutefois revendiquer un modèle de fonctionnement unique.

Assistons-nous aujourd'hui, à nouveau, à la fin d'un équilibre historique qui ne trouve pas de solution aux problèmes actuels et qui produit un système d'autonomies de la connaissance ?

Par la "réversibilité" qui le caractérise aujourd'hui, le design engendre des bouleversements "irréversibles" ; par sa nature et sa taille moléculaire, il met en place une nouvelle tectonique. Cette métaphore empruntée par Andrea Branzi au sociologue Zygmunt Bauman, pour qualifier le design, a été choisie pour décrire les spécificités de la nouvelle modernité.

Pas seulement de nouveaux produits, mais de nouvelles pensées, de nouvelles stratégies, produire une nouvelle économie, etc.

Et, en effet, on voit que dans tous les pays industriels et surtout dans les pays qui vont vers l’industrialisation, il y a quantité de nouvelles institutions, d’universités, d’écoles de design et de mode.

Parce qu’il y a besoin de ce type d’énergie d’innovation qui est réalisée par les créatifs, par quelqu’un qui est capable de penser des formes nouvelles de logique, de trouver des possibilités productives, donc des connexions différentes.

Donc une nouvelle charte d’Athènes veut dire seulement une hypothèse de réflexion théorique.

Une nouvelle charte d’Athènes, ça ne veut donc pas dire une ville idéale, c’est seulement une analyse de petites possibilités qui peuvent aider cette situation de self-réformisme de la société contemporaine.

Alors la ville semble être la même, mais on voit à l’intérieur qu’elle change complètement pour toutes les activités créatives, pour ce type d’économie nouvelle qui démarre à la fin du siècle passé, à travers la troisième révolution industrielle.

Je crois qu’une nouvelle politique peut commencer à partir d’une forme créative, comme l’art, comme la culture.

Oui, simplement depuis le moment que je vois que la question des architectes et en général du gouvernement de la ville, c’est de construire bien, de nouveaux quartiers, des installations etc., qu’on voit que ce sont des solutions qui sont en crise, tout le temps, on ne trouve pas, alors le problème central c’est simplement de dire: regarder que le problème ce n’est pas le modèle de fonctionnement de la ville que l’on doit chercher à résoudre avec de nouveaux bâtiments, c’est plutôt la qualité interne de la ville, c’est la qualité des rapports.

Dans le domaine de la recherche théorique, l’architecture ne doit pas attendre qu’on lui commande de faire quelque chose de nouveau.

La nouvelle ville doit lier tous les espaces définis et les changer en structure en tant que réel.

Il faut avoir une vision différente de la ville et de nouveaux processus de projets.

BRANZI, Andrea. Progress . In : QUEHEILLARD Jeanne, SALMON Laurence, BRANZI Andrea, In progress: le design face au progrès, exposition, Grand Hornu, Monographik, Blou, 2010, p. 33-39.
BRANZI Andrea. Conférence, Exposition In Progress, 8 mai 2010 - 12 septembre 2010, Grand-Hornu Images, Belgique, 24 juin 2010
BURKHARDT, François, MOROZZI, Cristina. Andrea Branzi, 4ème de couverture. In : Andrea Branzi No stop city, Archizoom associati, éditions HYX, Paris, décembre 1997
BRANZI Andrea. L’enjeu capital(es), Colloque international d’architecture, 1 - 2 octobre 2009, Centre Pompidou.