FONCTION

Notre époque a besoin d'élaborer des scénarios novateurs, qui ne soient pas le fruit d'une seule et unique logique mais se nourrissent d'un plancton de logiques différentes, sans craindre de franchir la limite qui sépare le projet de l'imaginaire, ce qui est facile de ce qui est difficile, car, dans l'ère de la mondialisation, le rôle de "l'innovation" assume une fonction stratégique et fondamentale pour le système civil dans son ensemble.

C'est pour cela que le design est en train de devenir, dans le monde entier, cette "profession de masse"; non seulement à la suite de la constante demande d'innovation provenant du système industriel et des économies locales, mais également parce que nombreux sont les jeunes qui s'orientent vers cette activité dans le but d'exprimer leur "créativité spontanée" agissant même au-delà des stricts rapports industriels; une génération qui vit le design comme une forme de réalisation de sa propre personnalité, comme l'expression de sa propre identité, avant même de l'envisager comme une fonction appartenant à l'entreprise.

L'on accuse fréquemment cette jeune génération de ne pas être "engagée", mais en réalité elle exprime une sorte de nouvelle énergie politique qui émane d'un jugement esthétique (qui est aussi un jugement politique) sur la "laideur" du monde actuel qu'elle veut changer sans délai, à partir des objets domestiques, des ustensiles quotidiens ; elle saisit l'inutilité qui nous entoure et recherche de nouvelles solutions dans le domaine des micro-fonctions domestiques.

En effet, dans la ville postindustrielle, où les grands gisements immobiliers sont tombés en disgrâce et où s'étendent des millions de mètres carrés d'industries et de bureaux désaffectés, on assiste à une sorte de révolution urbaine issue des espaces intérieurs, transformant ainsi l'ensemble de leur fonctionnement par des interventions d'"architecture d'intérieur": des villes en évolution constante et dont les fonctions doivent être continuellement revisitées afin de répondre aux nécessités changeantes de l'économie sociale, du télétravail et de l'entrepreneuriat de masse.

Et la nouvelle faculté de Rome saura assurément en faire de même, en saisissant la fonction enzymatique et catalytique du design dans la société et dans la ville, ancienne ou moderne.

Le design revêt une fonction essentielle par sa nature discontinue et par son métabolisme hybride: il utilise la technologie pour ses ressources esthétiques et l'esthétique pour ses apports technologiques...

C'est donc une modernité plus adaptée à notre société "réformiste", obligée de modifier quotidiennement ses statuts afin de résoudre les problèmes engendrés par un système social instable en quête d'équilibres nouveaux — qui par ailleurs ne seront jamais des acquis définitifs — et de l'adapter en le développant, sans toutefois revendiquer un modèle de fonctionnement unique.

Ce dernier trace en effet de possibles modèles d'une "frêle urbanisation" de territoires aux frontières floues et aux fonctions imprécises, des "modèles fragiles", caractéristiques de notre sociétépolitique, économie et culture ont perdu la force de leurs fondements et n'arrivent plus à coexister dans un système harmonieux ou à conférer une forme stable et robuste à nos villes.

Donc c’est un peu la condition d’une société mondiale, qui n’a plus un modèle global de fonctionnement.

C’est-à-dire qui est née, soit la ville moderne, soit la ville historique - encore plus - avec des idées de fonctionnement de l’économie, de la société, qui maintenant n’existent plus.

A travers la transformation produite par les composantes du design, d’une fonction à l’autre, on voit des villes comme, on peut dire Milan pour ce que je connais, où les universités sont dans les usines, on fait les musées dans les gazomètres. Il y a le phénomène de l’économie créative dont j’ai parlé, il y a ce phénomène avec la diffusion d’instruments électroniques, la possibilité de changer la fonction d’un lieu en temps réel, comme on dit dans le changement même du "personnal computer".

Donc la ville aujourd’hui, à mon avis, ce n’est plus la définition du territoire urbain, c’est davantage constitué par la présence du "personnal computer" chaque 20 m2 que par toutes les structures formelles qui sont autour, parce qu'ils rendent possible le fonctionnement global du travail diffus des entrepreneurs de masse, des liaisons entre les personnes, etc. Ceci c’est la base du fonctionnement du territoire urbain, qui n’a pas une forme globale, qui n’a pas de forme.

Quelle est la ville idéale? Dans l’histoire, les villes ont toujours des problèmes, ont toujours des impossibilités par rapport au fonctionnement, à l’évolution de la société urbaine, à l’économie à la technologie.

Oui, simplement depuis le moment que je vois que la question des architectes et en général du gouvernement de la ville, c’est de construire bien, de nouveaux quartiers, des installations etc., qu’on voit que ce sont des solutions qui sont en crise, tout le temps, on ne trouve pas, alors le problème central c’est simplement de dire: regarder que le problème ce n’est pas le modèle de fonctionnement de la ville que l’on doit chercher à résoudre avec de nouveaux bâtiments, c’est plutôt la qualité interne de la ville, c’est la qualité des rapports.

C’est une autre stratégie sur laquelle il faut commencer à travailler. Sur les petites choses, ce qui semble un paradoxe, mais, en effet, on voit que c’est une possibilité effective de changer la qualité esthétique, fonctionnelle, humaine de l’espace.

La ville est une réalité qui ne correspond pas à un ensemble de boite d’architecture, un ensemble de fonctions définies.

Une architecture faite des transformations réversibles, qui n’est pas une fonction avec une périphérie rigide, mais une traduction d’un système électronique répondant à toutes les fonctions.

Il faut réutiliser ce qui existe déjà, multiplier leurs fonctions.

BRANZI, Andrea. Progress . In : QUEHEILLARD Jeanne, SALMON Laurence, BRANZI Andrea, In progress: le design face au progrès, exposition, Grand Hornu, Monographik, Blou, 2010, p. 33-39.
BRANZI Andrea. Conférence, Exposition In Progress, 8 mai 2010 - 12 septembre 2010, Grand-Hornu Images, Belgique, 24 juin 2010
BURKHARDT, François, MOROZZI, Cristina. Andrea Branzi, 4ème de couverture. In : Andrea Branzi No stop city, Archizoom associati, éditions HYX, Paris, décembre 1997
BRANZI Andrea. L’enjeu capital(es), Colloque international d’architecture, 1 - 2 octobre 2009, Centre Pompidou.