QUALITE

Des stratégies visant à créer les conditions favorables à une "hospitalité globale" de l'univers bâti: en "maîtrisant" les technologies, en agissant sur les qualités matérielles et immatérielles, perceptives et spirituelles de l'espace urbain, afin qu'il soit en mesure d'accueillir le sacré et le profane, les humains et les animaux, l'architecture mais aussi l'agriculture.

Il nous faut donc être très prudents à l'heure de discerner entre ce qui est superflu et ce qui ne l'est pas, car l'histoire nous enseigne que les grandes civilisations se sont développées en investissant leurs énergies les meilleures notamment dans ces activités qui ne sont manifestement pas nécessaires: l'art, la musique, la poésie et la beauté de l'habitat humain; la qualité des objets détermine aujourd'hui la qualité de la ville, elle-même constituée d'objets.

Des villes dans lesquelles la qualité des zones urbaines n'est plus exclusivement constituée par les diverses architectures en présence, mais aussi par la qualité du tissu commercial, par le flux expressif des personnes qui le traversent et créent des scénarios mobiles capables d'engendrer une nouvelle géographie de qualité à l'intérieur du paysage rigide et figé de l'architecture construite.

Cette "démocratie expérimentale", cette ville où la plupart des immeubles sont utilisés de manière impropre, où la qualité de la marchandise exposée dans les étalages remplace fréquemment la qualité de l'architecture avoisinante, est-elle peut-être la marque la plus évidente d'une transformation épistémologique très profonde, d'une révolution historique dont les contours ne sont pas encore bien définis, mais au coeur de laquelle le design joue un rôle important ?

Cette métaphore empruntée par Andrea Branzi au sociologue Zygmunt Bauman, pour qualifier le design, a été choisie pour décrire les spécificités de la nouvelle modernité.

En effet, je crois que la qualité d’une ville aujourd’hui - je ne parle pas des villages monumentaux comme Paris.

C’est une autre chose - mais en général, dans la ville contemporaine, la qualité se réalise à travers la qualité des objets, des services, des petites choses.

Ce n’est pas la qualité de l’espace urbain.

Ce n’est pas réalisé par la qualité des grandes interventions d’architecture, qui sont restées au dehors de cette vision tellement dense, tellement intégrée qui existe aujourd'hui entre les citoyens et toute la réalité urbaine qui se présente sans différence entre l'intérieur et l'extérieur.

La capacité d’entrer dans la dimension de l’économie quotidienne, dans les micro-espaces, et ceci c’est le rôle du design, de changer la qualité des grands complexes méga-urbains à partir de la dimension anthropologiques, qui est sûrement une dimension minimale et sans grands signes, ça c'est très important.

Et je dois dire que jamais n'a existé une société où ce type de problème a trouvé une solution, parce que, par exemple, les pays socialistes dans l’interprétation qu’en a donné Joseph Brodsky, poète qui a gagné le prix Nobel, ont eu ce type de débâcles à cause d’un choc esthétique, d’un désastre esthétique, c’est-à-dire qu’ils ont réalisé un monde urbain, des relations humaines et une gestion de la qualité de la vie tellement horrible que cela a produit un refus politique, donc un choc. Parce que le problème esthétique, c’est le vrai grand problème politique du futur.

Donc c’est une période où la responsabilité individuelle devient très importante, donc la qualité du travail des choses que l’on fait, c’est une chose à mon avis fondamentale.

Oui, simplement depuis le moment que je vois que la question des architectes et en général du gouvernement de la ville, c’est de construire bien, de nouveaux quartiers, des installations etc., qu’on voit que ce sont des solutions qui sont en crise, tout le temps, on ne trouve pas, alors le problème central c’est simplement de dire: regarder que le problème ce n’est pas le modèle de fonctionnement de la ville que l’on doit chercher à résoudre avec de nouveaux bâtiments, c’est plutôt la qualité interne de la ville, c’est la qualité des rapports.

C’est une autre stratégie sur laquelle il faut commencer à travailler. Sur les petites choses, ce qui semble un paradoxe, mais, en effet, on voit que c’est une possibilité effective de changer la qualité esthétique, fonctionnelle, humaine de l’espace.

No-Stop City est une ville sans qualités, dans laquelle l’individu peut réaliser son habitat comme une activité créatrice, libérée et personnelle. Aux utopies qualitatives, nous répondons par la seule utopie possible: celle de la Quantité.

BRANZI, Andrea. Progress. In: QUEHEILLARD Jeanne, SALMON Laurence, BRANZI Andrea, In progress: le design face au progrès, exposition, Grand Hornu, Monographik, Blou, 2010, p. 33-39.
BRANZI Andrea. Conférence, Exposition In Progress, 8 mai 2010 - 12 septembre 2010, Grand-Hornu Images, Belgique, 24 juin 2010
BURKHARDT, François, MOROZZI, Cristina. Andrea Branzi, 4ème de couverture. In: Andrea Branzi No stop city, Archizoom associati, éditions HYX, Paris, décembre 1997
BRANZI Andrea. L’enjeu capital(es), Colloque international d’architecture, 1 - 2 octobre 2009, Centre Pompidou.