OBJET

De nos jours, le design peut se situer sur deux terrains différents: le terrain physique et réel du marché (où les objets tangibles existent et peuvent être utilisés), et le terrain immatériel (non moins important) constitué par la circulation médiatique des idées expérimentales, là où les objets n'existent plus mais peuvent néanmoins être regardés et vus, puisqu'ils circulent en un nombre infini d'exemplaires sur le territoire iconique mondial; en propageant des hypothèses et des théorèmes destinés à stimuler la créativité sociale et à produire des énergies porteuses de changement.

L'on accuse fréquemment cette jeune génération de ne pas être "engagé", mais en réalité elle exprime une sorte de nouvelle énergie politique qui émane d'un jugement esthétique (qui est aussi un jugement politique) sur la "laideur" du monde actuel qu'elle veut changer sans délai, à partir des objets domestiques, des ustensiles quotidiens; elle saisit l'inutilité qui nous entoure et recherche de nouvelles solutions dans le domaine des micro-fonctions domestiques.

Il nous faut donc être très prudents à l'heure de discerner entre ce qui est superflu et ce qui ne l'est pas, car l'histoire nous enseigne que les grandes civilisations se sont développées en investissant leurs énergies les meilleures notamment dans ces activités qui ne sont manifestement pas nécessaires: l'art, la musique, la poésie et la beauté de l'habitat humain; la qualité des objets détermine aujourd'hui la qualité de la ville, elle-même constituée d'objets.

Ce sont les objets domestiques qui véhiculent les thèmes anthropologiques et politiques de grande importance.

De même, le réseau du design se caractérise par son goût unique: celui de "l'émancipation", fruit d'une innovation jamais finie mais (apparemment) sans objectif précis.

C’est une autre chose - mais en général, dans la ville contemporaine, la qualité se réalise à travers la qualité des objets, des services, des petites choses.

Et donc ceci c’est la présentation du montage de cette collection Grandi Legni que j’ai présenté en janvier chez Azzedine Alaïa, ici à Paris, donc peut être que quelqu’un a déjà vu les objets, mais pas la narration de cette collection.

Regroupant l’ensemble des textes et des dessins, il nous dévoile cette "ville sans fin" qui mêle objet, société de consommation triomphante et architecture, une grille de lecture où la répétition d’un même ensemble central, un bâtiment ou un groupe d’objets, via un jeu de miroirs compose un environnement catatonique, un supermarché sans limites, un futur à composer et désormais atteint...

Considérant l’architecture comme une catégorie intermédiaire d’organisation urbaine qu’il fallait dépasser, No-Stop City opère une liaison directe entre la métropole et les objets d’ameublement: la ville devient une succession de lits, de tables, de chaises et d’armoires, le mobilier domestique et le mobilier urbain coïncident totalement. Aux utopies qualitatives, nous répondons par la seule utopie possible: celle de la Quantité.

BRANZI, Andrea. Progress . In : QUEHEILLARD Jeanne, SALMON Laurence, BRANZI Andrea, In progress: le design face au progrès, exposition, Grand Hornu, Monographik, Blou, 2010, p. 33-39.
BRANZI Andrea. Conférence, Exposition In Progress, 8 mai 2010 - 12 septembre 2010, Grand-Hornu Images, Belgique, 24 juin 2010
BURKHARDT, François, MOROZZI, Cristina. Andrea Branzi, 4ème de couverture. In : Andrea Branzi No stop city, Archizoom associati, éditions HYX, Paris, décembre 1997
BRANZI Andrea. L’enjeu capital(es), Colloque international d’architecture, 1 - 2 octobre 2009, Centre Pompidou.